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Les droits de la partie civile dans le procès pénal

Publié le : 19/11/2012 19 novembre nov. 11 2012

Par Mme Frédérique AGOSTINI, conseiller référendaire à la Cour de cassation

La victime d’une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction, a, conformément aux articles 1, alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale, droit à agir devant la juridiction répressive. En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal.

Par l’action qu’elle porte devant les juridictions répressives, la partie civile tout à la fois participe à l’action publique et s’ouvre la possibilité d’obtenir réparation de tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits objets de la poursuite.

Lorsque l’action publique n’a pas déjà été engagée, la victime agit par voie d’action, mettant de ce fait elle-même en mouvement l’action publique. Lorsqu’au contraire l’action publique a déjà été engagée, la victime agit par voie d’intervention, s’associant par sa constitution aux poursuites en cours.

Ce droit de la victime de faits constitutifs d’une infraction à être présente devant le juge pénal aux côtés du titulaire naturel de l’action publique qu’est le ministère public, est admis depuis longtemps en droit français. Considéré par la jurisprudence comme un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, devait être strictement enfermé dans les limites posées par le Code de procédure pénale, il s’est progressivement élargi. Le législateur et la jurisprudence y ont tour à tour contribué.

L’entrée en vigueur de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, ne fait que s’inscrire dans cette évolution législative et jurisprudentielle qui, depuis l’arrêt Laurent-Atthalin (Crim. 8 déc. 1906, Bull. n° 443) ménage à la partie civile une place croissante dans le déroulement du procès pénal.

La présente étude n’a pas pour ambition de donner une vision exhaustive du régime de l’action civile et des droits qui y sont attachés. Elle se bornera à présenter, à la lumière de la jurisprudence de la Chambre criminelle publiée au cours des dernières années et des récentes modifications apportées au Code de procédure pénale, et sans aborder les spécificités de la loi sur la presse, les droits reconnus à la partie civile.

L’accès de la victime au juge pénal est aujourd’hui clairement facilité (I). Devenue partie civile, celle-ci est désormais un acteur à part entière du procès pénal (II). Enfin, bien que toujours juge d’exception en la matière, le juge pénal lui accorde assez généreusement réparation de son préjudice (III).

I. L’ACCÈS AU JUGE PÉNAL

Le souhait du législateur est sans conteste de faciliter l’accès de la victime au juge pénal. En témoignent notamment les dispositions visant à améliorer l’information de la victime (A) comme le formalisme réduit imposé à la constitution de partie civile (B). En témoigne également, élargissant les conditions relatives au préjudice dont l’existence est requis de toute victime souhaitant se constituer (C), la possibilité offerte à de nombreuses personnes morales d’exercer les droits reconnus à la partie civile (D, E).

A. Une information plus complète

L’exercice effectif d’un droit n’est possible que si la personne concernée en a connaissance. A cette fin, systématisant les pratiques de certaines juridictions, le législateur a progressivement veillé à améliorer l’information donnée à la victime, afin que celle-ci puisse faire valoir ses droits devant la juridiction répressive. L’accélération du rythme judiciaire, avec le développement du traitement des affaires pénales en temps réel, a accru l’importance de cette information.

De façon générale, le Code de procédure pénale, dans son nouvel article préliminaire issu de la loi du 15 juin 2000, fait un devoir à l’autorité judiciaire de veiller à l’information des victimes au cours de toute procédure pénale. Le Code décline ensuite cette obligation à différentes étapes de la procédure.

Dès le stade de l’enquête, qu’il s’agisse d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, les officiers et agents de police judiciaire doivent, depuis le 1erjanvier 2001, par application des articles 53-1 et 75, dernier alinéa, informer les victimes de leur droit d’obtenir réparation du préjudice subi et de la faculté d’obtenir le concours d’une association d’aide aux victimes. Une telle association peut d’ailleurs, conformément à l’article 41, dernier alinéa, être requise par le procureur de la République afin qu’il soit porté aide à la victime d’une infraction.

A l’issue de l’enquête, l’article 40 prévoit, depuis la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985, que le procureur de la République qui classe une affaire en avise la victime lorsqu’elle est identifiée. Cet avis doit, pour certaines infractions constituant des atteintes à la personne commises contre un mineur, être motivé et notifié par écrit.

En cas d’ouverture d’une information judiciaire, l’article 80-3, entré en vigueur le 1erjanvier 2001, fait obligation au juge d’instruction, dès le début de l’information, d’avertir la victime d’une infraction de l’ouverture d’une procédure, de son droit à se constituer partie civile et des modalités d’exercice de ce droit.

Enfin, l’article 391 du Code de procédure pénale prévoit que toute personne ayant porté plainte est avisée de la date de l’audience.

Bien que très utiles, ces obligations nouvelles, comme les plus anciennes, resteront générales en ce sens que leur méconnaissance ne constituera pas une cause de nullité pouvant être invoquée par une victime non informée ou mal informée pour faire admettre la recevabilité d’une constitution tardive (Crim. 5 mars 1964, Bull. n° 82). Mais cette jurisprudence se justifie car la victime qui ne fait pas valoir ses droits devant la juridiction pénale conserve la possibilité de porter son action en réparation du dommage subi devant la juridiction de droit commun.

B. Un formalisme réduit

Contrairement au prévenu ou à l’accusé, qui doit comparaître en personne, la victime peut toujours se faire représenter par un avocat, qu’il s’agisse d’engager l’action publique, de s’y associer ou de développer ses prétentions devant la juridiction de jugement, sans que cette représentation soit obligatoire. La procédure simplifiée de l’article 420-1 du Code de procédure pénale l’autorise même à faire valoir ses droits par écrit devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police. Cependant, s’agissant d’une partie civile mineure, l’assistance d’un avocat est obligatoire et le juge doit faire désigner un avocat d’office s’il n’en a pas déjà été choisi un (art. 706-50).

En dehors de la liberté relative au mode de représentation, la constitution de partie civile est nécessairement plus formaliste lorsque la personne agit par voie d’action que lorsqu’elle agit par voie d’intervention.

1) La constitution par voie d’action

Pour mettre en mouvement l’action publique, la constitution doit être écrite et faite dans des termes qui manifestent sans équivoque l’intention de se porter partie civile.

Cette manifestation claire de volonté n’est soumise à aucune autre condition de forme devant le juge d’instruction. En revanche, la citation directe délivrée par la partie civile aux fins de saisine de la juridiction de jugement doit obéir aux prescriptions de forme des articles 550 et suivants du Code de procédure pénale. Elle doit, notamment, énoncer le fait poursuivi et viser le texte de loi qui le réprime. La méconnaissance de ces prescriptions entraîne la nullité de la citation.

Par ailleurs, la constitution doit comporter une élection de domicile.

En application de l’article 89, la partie civile doit déclarer une adresse, qui peut être la sienne, celle d’un tiers ou celle de son avocat, sous réserve que ceux-ci aient donné leur accord de façon certaine (Crim. 9 nov. 2000, Bull. n° 291). Elle doit aussi veiller à informer le magistrat de tout changement, sous peine de ne pouvoir opposer le défaut de notification des actes qui auraient dû lui être notifiés (Crim. 19 nov. 1997, Bull. n° 396). Inversement, seule la notification régulière faite à l’adresse déclarée par la partie civile fait courir les délais de recours (Crim. 5 oct 1999, Bull. n° 205).

Par application des articles 551 et 392 du Code de procédure pénale, la citation directe doit mentionner les nom, prénoms, profession et domicile réel ou élu de la partie civile, l’élection de domicile dans le ressort du tribunal saisi s’imposant, à moins que la partie civile n’y soit domiciliée.

Enfin, la recevabilité de la constitution par voie d’action est subordonnée au versement d’une consignation. Imposée par les articles 88, 392-2 et 533 à la personne qui se constitue tant devant le juge d’instruction que devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police, elle a pour objet de garantir le paiement de l’amende civile susceptible d’être mise à la charge de celle-ci si les poursuites qu’elle a engagées se terminent par un non-lieu ou une relaxe.

Le montant de la consignation ainsi que le délai dans lequel elle doit être déposée au greffe sont fixés par le juge d’instruction ou la juridiction de jugement. L’article 88 autorise le juge d’instruction à dispenser la partie civile du versement d’une consignation. En revanche, cette faculté n’est pas ouverte à la juridiction de jugement. La partie civile est recevable à faire appel de l’ordonnance du juge fixant le montant de la consignation et le délai de versement (Crim. 19 juill. 1994, Bull. n° 283). Mais, si la décision émane d’une juridiction de jugement, l’appel n’est pas immédiatement recevable, la décision ne mettant pas fin à la procédure (Crim. 26 nov. 1997, Bull. n° 402). Il en est de même du pourvoi contre l’arrêt de la chambre d’accusation prononçant sur les mêmes points, qui est une décision qui entre dans la catégorie des arrêts mentionnés aux articles 570 et 571 du Code de procédure pénale (Crim. 24 avr. 1990, Bull. n° 149).

Les juges apprécient souverainement, au vu des circonstances de la cause, le montant de la consignation en fonction des ressources de la partie civile (Crim. 7 juin 2000, Bull. n° 214). La partie civile qui a obtenu l’aide juridictionnelle est dispensée du versement de la consignation, qu’elle agisse devant le juge d’instruction ou la juridiction de jugement.

Seul le versement de la consignation permet au plaignant d’acquérir la qualité de partie civile, tant devant le juge d’instruction (Crim. 9 nov. 1998, Bull. n° 291 ; 7 mars 2000, Bull. n° 104) que devant le tribunal correctionnel (Crim. 21 janv. 1997, Bull. n° 20) ou le tribunal de police. Cette acquisition est rétroactive à la date du dépôt de la plainte ou à la date de la citation directe, qui interrompt alors la prescription de l’action publique (Crim. 7 sept. 1999, Bull. n° 181).

Si le défaut de consignation entraîne l’irrecevabilité de la plainte, rien n’interdit à la partie civile qui n’a pas consigné de se constituer par voie d’intervention lorsque le procureur de la République a par la suite engagé lui-même des poursuites, ni de saisir la juridiction de jugement par voie de citation directe (sous réserve, le cas échéant de verser une consignation), alors même qu’elle n’a pas versé la consignation fixée par le juge d’instruction lors du dépôt d’une précédente plainte (Crim. 11 janv. 2000, Bull. n° 10).

2) La constitution par voie d’intervention

Lorsque la constitution se fait par voie d’intervention en cours d’instruction ou devant une juridiction de jugement, la manifestation de volonté de la partie peut être écrite ou orale, du moment qu’elle est non équivoque.

Pendant la phase d’instruction, l’article 87, alinéa 1, autorise l’intervention à tout moment.

Lorsque la juridiction de jugement est saisie, la constitution doit, à peine d’irrecevabilité par application de l’article 421, intervenir avant les réquisitions du ministère public sur le fond ou, si le tribunal a ordonné l’ajournement du prononcé de la peine, avant les réquisitions du ministère public sur la peine. La tardiveté de la constitution interdit à la victime de prétendre à la qualité de partie civile, en première instance comme en cause d’appel où la constitution de partie civile pour la première fois irrecevable, de même que la formation d’une demande nouvelle.

Les dispositions des articles 418 et suivants du Code de procédure pénale, relatifs à la constitution de partie civile par voie d’intervention et ses effets devant le tribunal correctionnel et devant le tribunal de police, dispositif complété par la loi du 15 juin 2000, visent à faciliter la prise en compte des droits des victimes et notamment de celles qui ne pourraient se déplacer, et à leur éviter de se voir opposer l’irrecevabilité de leur action pour cause de tardiveté.

La constitution peut désormais se faire à trois stades de la procédure :

– L’article 420-1, alinéa 2, issu de la loi du 15 juin 2000, autorise désormais la victime à formuler sa demande de restitution d’objets saisis ou de dommages-intérêts, dès l’enquête de police, auprès d’un officier ou agent de police judiciaire qui en dresse procès-verbal. Cette demande vaut constitution de partie civile si l’action publique est mise en mouvement et que le tribunal est directement saisi. Toutefois, cette procédure est soumise à l’accord du procureur de la République.

– La constitution peut également se faire avant l’audience, selon deux modalités :

. par déclaration au greffe : la déclaration doit alors, selon l’article 420, préciser l’infraction poursuivie et contenir élection de domicile dans le ressort du tribunal saisi quand la partie civile n’y réside pas. Cette déclaration est immédiatement transmise au ministère public qui cite la partie civile à l’audience.

. par lettre recommandée avec demande d’avis de réception parvenant à la juridiction 24 heures au moins avant la date de l’audience ou par télécopie. La demande, à laquelle doivent être jointes toutes les pièces justificatives du préjudice allégué, peut tendre à la restitution d’objets saisis ou à l’obtention de dommages-intérêts. Les documents sont immédiatement joints au dossier. Le recours à cette procédure dispense la partie civile de comparaître ou de se faire représenter à l’audience.

Cette procédure simplifiée de l’article 420-1, premier alinéa, instaurée par la loi n° 81-82 du 2 février 1981, a été assouplie par la loi du 15 juin 2000, qui a autorisé la transmission des demandes par télécopie et a supprimé la règle limitant son emploi aux cas où les sommes réclamées ne dépassaient pas le plafond de la compétence en premier ressort des tribunaux d’instance.

– La constitution peut enfin, conformément à l’article 419, se faire à l’audience, par déclaration consignée par le greffier, ou par dépôt de conclusions.

Le recours à l’une ou l’autre de ces voies présuppose l’existence d’un préjudice répondant aux conditions définies à l’article 2 du Code de procédure pénale.

C. L’exigence d’un préjudice personnel et direct

1) Le principe


La victime doit être en mesure de justifier d’un dommage personnel directement causé par l’infraction pour pouvoir se constituer partie civile tant devant le juge d’instruction (Crim. 12 sept. 2000, Bull. n° 264) que devant la juridiction de jugement (Crim. 12 sept. 2000, Bull. n° 265).

L’existence d’un tel préjudice est appréciée plus ou moins strictement selon que la partie civile se constitue au stade de l’instruction ou du jugement.

La vraisemblance du préjudice suffit à ouvrir à la partie civile le droit de se constituer devant le juge d’instruction. Une jurisprudence constante admet la recevabilité d’une constitution dès lors que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale (Crim. 16 juin 1998, Bull. n° 191 ; Crim. 16 févr. 1999, Bull. n° 17).

En revanche, devant la juridiction de jugement, la partie civile doit démontrer l’existence d’un préjudice certain (Crim. 13 juin 1991, Bull. n° 251).

2) Les limites

L’existence d’un préjudice satisfaisant aux conditions sus-rappelées n’est cependant pas toujours suffisante. Le législateur a en effet limité dans certaines hypothèses la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l’action publique, voire de s’associer à l’action publique, alors même qu’elle peut justifier avoir personnellement souffert d’un dommage directement causé par l’infraction.

En premier lieu, des limites peuvent être apportées au droit de la victime de se constituer partie civile par voie d’action. C’est le cas de l’article 179 du Code de justice militaire, qui, n’ayant pas été modifié par la loi n° 99-929 du 10 novembre 1999 portant réforme du dit Code, interdit à la partie lésée par une infraction militaire de la compétence des juridictions des forces armées en temps de guerre de mettre en mouvement l’action publique.

En second lieu, les modalités de saisine de la justice peuvent être imposées à la victime.

C’est ainsi que la voie de la citation directe est interdite en matière criminelle ou à l’encontre d’un mineur (article 5 de l’ord. du 2 févr. 1945). En revanche, la voie de la plainte avec constitution de partie civile reste ouverte dans ces deux hypothèses (Crim. 19 oct. 1999, Bull. n° 221). A l’inverse, la voie de la plainte avec constitution de partie civile ne peut être empruntée en cas de contravention, l’ouverture d’une information étant réservée au seul ministère public (article 79 du Code de procédure pénale ; Crim. 28 oct. 1974, Bull. n° 304). Seule la voie de la citation directe est alors possible.

La voie de l’action peut être réservée à certaines personnes précisées par la loi. C’est le cas de l’article L. 626-16 du Code de commerce qui réserve à l’administrateur, au représentant des créanciers et à celui des salariés, au commissaire à l’exécution du plan et au liquidateur, la possibilité de mettre en oeuvre l’action publique pour la répression du délit de banqueroute (Crim. 20 févr. 1997, Bull. n° 72). C’est également, dans un autre registre, la réouverture d’une information sur charges nouvelles, réservée au ministère public par l’article 190 du Code de procédure pénale (Crim. 30 mars 1999, Bull. n° 58 ; 11 janv. 2000, Bull. n° 11).

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999 est venue limiter la possibilité pour la partie civile de dénoncer de nouveaux faits au juge d’instruction en cours d’information. L’article 80, dernier alinéa, subordonne désormais la saisine du juge d’instruction par une constitution de partie civile additionnelle dénonçant des faits nouveaux à un réquisitoire du procureur de la République (Crim. 26 sept. 2000, Bull. n° 277).

Enfin, la possibilité d’une constitution de partie civile peut tout simplement être refusée à la victime.

Elle peut lui être refusée temporairement. C’est le cas des dispositions de l’article 6-1 du Code de procédure pénale qui subordonnent la poursuite d’un crime ou d’un délit prétendument commis à l’occasion d’une poursuite judiciaire à la constatation, par une décision définitive de la juridiction répressive saisie, du caractère illégal de la poursuite ou de l’acte accompli à cette occasion (Crim. 21 avr. 1998, Bull. n° 139).

Plus radicalement, l’article 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République dispose qu’aucune constitution de partie civile n’est recevable devant cette juridiction et que l’action en réparation des crimes et délits ressortissant à sa compétence doit être portée devant les juridictions de droit commun. La Cour de cassation a jugé que ce texte, qui déroge au Code de procédure pénale, n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il réserve aux parties le droit de porter l’action en réparation de leurs dommages devant la juridiction de droit commun (Ass. Plén. 21 juin 1999, Bull. n° 139 ; 12 juillet 2000, Bull. n° 258).

La jurisprudence a également interdit à la victime de se constituer partie civile lorsque les infractions n’ont été édictées par le législateur que dans un but d’intérêt général. Celles-ci ne peuvent être poursuivies que par le ministère public et l’action civile des particuliers, qu’ils soient personnes physiques ou morales, est irrecevable, même par voie d’intervention. Diversement appréciée, cette jurisprudence recule avec constance, en dépit de quelques soubresauts.

Ainsi, est irrecevable la plainte avec constitution de partie civile pour atteintes au secret de la défense nationale (Crim. 1eroct. 1996, Bull. n° 338), ou la plainte pour le délit de minoration de comptes de campagne (Crim. 22 févr. 2000, Bull. n° 76). En revanche, le juge accueille désormais l’action civile pour le délit d’obstacle à la manifestation de la vérité (Crim. 23 févr. 2000, Bull. n° 78).

D. Les parties civiles par habilitation spéciale

Le droit pour une personne morale de se constituer partie civile n’appelle aucune observation particulière, dès lors qu’elle justifie d’un préjudice personnel directement causé par l’infraction (Crim. 4 oct. 1995, Bull. n° 293 ; 3 janv. 1996, Bull. n° 1 ; 25 juin 1996, Bull. n° 273 ; 16 févr. 1999, Bull. n° 17).

Mais certaines personnes morales ont été autorisées à exercer les droits reconnus à la partie civile sans pour autant justifier d’un tel préjudice.

1) La défense des intérêts professionnels

Tour à tour, le législateur et, dans une moindre mesure la jurisprudence, ont admis l’action civile de personnes morales ne pouvant exciper d’un préjudice répondant aux exigences de l’article 2 du Code de procédure pénale, mais justifiant d’un préjudice spécifique, fondé sur l’existence d’une mission légale de représentation d’intérêts collectifs.

En application de l’article L. 411-1 du Code du travail, les syndicats professionnels, qui ont la charge des intérêts collectifs de la profession qu’ils représentent, ont la possibilité de porter leur action devant la juridiction répressive, pour les faits causant un préjudice direct ou indirect à ces intérêts. Les ordres professionnels, institués par la loi, ont également reçu, dans des termes proches des précédents, le droit d’exercer les droits de la partie civile en cas d’atteinte aux intérêts généraux de la profession qu’ils défendent.

La recevabilité de l’action civile de ces groupements est donc soumise à l’existence d’un préjudice collectif, lequel ne saurait résulter, notamment, de la seule mise en examen d’un membre de la profession pour une infraction en rapport avec celle-ci (Crim. 16 févr. 1999, Bull. n° 18).

Au surplus, le préjudice collectif ne saurait se confondre avec le préjudice individuel des membres de la profession (Crim. 11 mai 1999, Bull. n° 89).

Lorsque le droit d’action civile ne leur est pas expressément reconnu, ou lorsqu’il est cantonné à certaines infractions déterminées, la jurisprudence se montre assez encline à accueillir l’action civile de ces différentes personnes morales.

Ainsi, le délit de violation du secret médical peut être de nature à autoriser l’action civile des syndicats d’agents hospitaliers (Crim. 27 mai 1999, Bull. n° 109). Le délit de port illégal du costume d’avocat autorise l’action civile de l’ordre des avocats (Crim. 5 nov. 1997, Bull. n° 377). En matière d’infractions portant atteinte aux intérêts matériels et moraux du sport professionnel, l’action civile des fédérations sportives et de leurs organes délégataires, légalement chargés de veiller au respect des règles techniques et déontologiques de leurs disciplines, est recevable (Crim. 15 mai 1997, Bull. n° 185).

Le juge contrôle la qualification du groupement se constituant partie civile et vérifie les droits qui sont les siens, afin de s’assurer qu’il peut revendiquer la réparation du préjudice aux intérêts collectifs qu’il a pour mission de défendre (Crim. 13 oct. 1992, Bull. n° 318).

Ainsi, est recevable la constitution d’une association régie par la loi du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole, dans des poursuites pour publicité trompeuse sur l’origine des viandes (Crim. 26 oct. 1999, Bull. n° 233). En revanche, dans des poursuites exercées pour ventes en gros illicites dans le périmètre de protection d’un marché d’intérêt national, est irrecevable l’action civile d’une association de syndicats de grossistes, régie par la loi du 1er juillet 1901, sollicitant réparation de l’atteinte à l’intérêt collectif que seul un syndicat peut défendre (Crim. 12 févr. 1997, Bull. n° 57).

Aux côtés de ces groupements, le législateur a souhaité que des associations, ayant un objet social déterminé, puissent renforcer l’action du ministère public en exerçant les droits reconnus à la partie civile.

2) L’action civile des associations

La jurisprudence ayant fermement affirmé la différence qui existe entre les syndicats et les groupements professionnels, d’une part, et les associations, d’autre part, lesquelles, à la différence des premiers, ne sont pas investies d’une mission de représentation d’une profession, mais ne représentent que leurs membres, le législateur a procédé par habilitations expresses.

Ainsi, depuis le début du siècle, les catégories d’associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile n’ont cessé de se multiplier. Initiées avec l’habilitation des ligues antialcooliques (article L. 96 du Code des débits de boisson), les habilitations couvrent aujourd’hui un domaine varié, qui va de la protection de l’environnement (articles 2-13 du Code pénal, L. 252-1 et suivants, L. 253-1 du Code rural…) à la lutte contre les discriminations et les exclusions (articles 2-1,2-6, 2-8, 2-10 du Code pénal), en passant par diverses atteintes aux personnes (articles 2-2, 2-3, 2-9, 2-12, 2-15, 2-16 du Code pénal ), la défense des résistants et anciens combattants (articles 2-4, 2-5,2-11 du Code pénal), la défense de la langue française (article 2-14 du Code pénal), la protection du consommateur (article L. 421-1 du Code de la consommation).

Ce mouvement n’est pas achevé, puisque la loi du 15 juin 2000 a procédé dans le Code pénal à l’habilitation de trois nouvelles catégories d’associations, qui révèlent les enjeux du temps en matière de poursuites pénales : la lutte contre les phénomènes sectaires (article 2-17), la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (article 2-18), l’assistance aux élus locaux mis en cause à raison de leurs fonctions (article 2-19).

A défaut d’habilitation législative, l’action civile des associations ne peut être exercée que dans les conditions de droit commun. Si les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de pisciculture et les prud’hommes pêcheurs tiennent, en vertu des textes qui les concernent, le pouvoir d’exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction à certaines dispositions régissant la police de la pêche fluviale et maritime et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs que ces organismes ont pour objet de défendre (Crim. 25 nov. 1995, Bull. n° 322), cette possibilité n’est pas ouverte aux associations agréées de protection de l’environnement (Crim. 23 mai 2000, Bull. n° 199). Pour les infractions à la police de la pêche, ces dernières doivent donc justifier d’un préjudice personnel et direct.

Le régime des droits conférés à ces diverses associations ne présente aucune unité. Si les associations habilitées doivent en général être déclarées depuis au moins cinq ans avant la date des faits, certaines doivent avoir en plus été agréées, voire reconnues d’utilité publique. Alors que certaines peuvent agir par voie d’action, d’autres sont limitées à la voie de l’intervention. L’accord de la victime quelquefois nécessaire à l’engagement de leur action.

E. L’action civile des personnes morales de droit public

L’action civile engagée par les personnes morales de droit public en réparation de leur préjudice matériel est en général accueillie par les juridictions répressives.

Dans le domaine particulier de la lutte contre l’incendie, l’article 2-7 du Code pénal autorise expressément ces personnes à se constituer devant la juridiction de jugement saisie de poursuites pénales pour incendie volontaire, afin d’obtenir le remboursement des frais qu’elles ont exposés.

Mais, au motif que la protection des intérêts généraux dont les collectivités publiques ont la charge se confond avec la protection de l’intérêt général qui incombe au ministère public, la jurisprudence oppose traditionnellement un refus ferme aux demandes sollicitant la réparation d’un préjudice moral causé par l’infraction.

L’intervention du législateur comme l’évolution de la jurisprudence paraissent affaiblir la différence établie entre les deux catégories de préjudice.

La loi autorise, en certains domaines, l’action civile des personnes morales de droit public, sans définir la nature du préjudice dont elles peuvent solliciter la réparation.

L’article L. 480-1, dernier alinéa, du Code de l’urbanisme autorise ainsi les communes à exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’urbanisme. L’article 232 du Livre des procédures fiscales fait de même au profit de l’administration des impôts pour les infractions relevant de sa compétence (Crim. 20 sept. 2000, Bull. n° 273), dérogeant ainsi au monopole de la représentation de l’Etat par l’agent judiciaire du Trésor. Le centre national de la cinématographie peut également agir aux mêmes fins, en application de l’article L. 331-3 du Code de la propriété intellectuelle. Conformément aux articles L. 115-8 et L. 115-20 du Code de la consommation, l’institut national des appellations d’origine, qui dispose des mêmes droits que les syndicats professionnels, peut contribuer à la défense des appellations d’origine et se constituer partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu’il représente (Crim. 17 déc. 1997, Bull. n° 433).

De façon plus précise, l’article L. 253-1 du Code rural, issu de la loi du 2 février 1995, est venu accorder à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, aux agences financières de bassin et au Centre des monuments français l’exercice des droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu’ils ont pour objet de défendre et constituant une infraction à des dispositions en matière d’environnement, d’urbanisme et de protection des monuments historiques. Ce texte dispose que ces personnes morales ont droit au remboursement des frais exposés par elles, sans préjudice de l’indemnisation des autres dommages subis. Cette dernière précision paraît ouvrir droit à la réparation d’un préjudice moral.

La loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 a complété ces dispositions en reconnaissant les mêmes droits aux chambres d’agriculture, parcs naturels régionaux et centres régionaux de la propriété forestière.

De son côté, la Chambre criminelle semble avoir ouvert une brèche plus générale dans sa jurisprudence restreignant l’action civile des personnes morales de droit public.

Elle a ainsi précisé que les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, qui ouvrent l’action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objets de la poursuite, n’excluent pas les établissements publics (Crim. 8 mars 1995, Bull. n° 93) et, de façon plus générale, les personnes morales de droit public (Crim. 7 avril 1999, Bull. n° 69). En outre, dans ce second arrêt, elle a énoncé que l’atteinte portée par une contravention à la police de la chasse aux intérêts qu’un parc national a pour mission légale de préserver caractérise, pour celui-ci, un préjudice personnel distinct du trouble social.

Cet assouplissement ne s’est pas encore manifesté au profit des collectivités investies de missions moins spécifiques, telles que les collectivités territoriales. Certes, la Chambre criminelle a précisé qu’un crime ou un délit commis au préjudice d’une commune ne lésait directement que cette dernière (Crim. 9 févr. 1993, Bull. n° 66), mais elle ne s’est pas prononcée sur la nature des intérêts lésés dont une collectivité territoriale pouvait demander réparation.

Les questions soulevées par l’action civile exercée en application de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales par un contribuable en lieu et place de la commune, sur autorisation du tribunal administratif, ne semblent pas à ce jour avoir offert à la Chambre criminelle l’occasion de se prononcer sur la nature des chefs de préjudice dont réparation peut être demandée dans ces conditions (Crim. 15 nov. 2000). Il faut noter que les contribuables des régions et départements peuvent, depuis la loi n° 2000-321 du 14 avril 2000, également exercer l’action civile en lieu et place de ces deux collectivités.

II. LA PARTICIPATION AU PROCÈS

La constitution de partie civile va faire de son auteur, qu’il soit victime « de droit commun » ou partie habilitée, un acteur du procès pénal, titulaire de divers droits.

Ces droits illustrent le rôle particulier qui est celui de la partie privée au regard de l’action publique. S’ils l’autorisent très libéralement à mettre en mouvement l’action publique et à y participer dès sa constitution, ils ne lui confèrent aucunement l’exercice de cette action, prérogative du seul ministère public.

Les droits reconnus à la partie civile lui sont acquis à la date de sa constitution (A). Ils lui garantissent le droit au juge (B), le droit d’être assistée (C), le droit de savoir (D), le droit de participer à la procédure (E) et le droit de la discuter (F).

A. Des droits acquis à la date de la constitution de partie civile

La date de la constitution est, sous la réserve, s’agissant d’une constitution par voie d’action, du versement de la consignation fixée par le juge d’instruction ou la juridiction de jugement, celle du dépôt de sa plainte, de la réception de sa déclaration devant le juge d’instruction, de la citation directe ou de la déclaration devant la juridiction de jugement.

L’exception d’irrecevabilité peut être soulevée pour des causes propres au plaignant (défaut de qualité, de capacité ou d’intérêt, absence ou impossibilité de préjudice direct et personnel,…) pour des causes tenant à des irrégularités de procédure (saisine antérieure de la juridiction de droit commun, défaut de consignation, citation directe irrégulière…), ou pour des raisons de droit tenant à l’existence d’obstacle à la mise en mouvement de l’action publique. Elle peut être soulevée dès le début mais également au cours de la procédure. Elle ne fragilise en définitive que très peu l’exercice des droits.

1) L’irrecevabilité en cours d’instruction

Devant le juge d’instruction, l’irrecevabilité peut être soulevée dès l’origine de la constitution, et notamment, lorsqu’elle est faite par voie d’action, lors de la communication de la plainte faite au procureur de la République par application de l’article 86. Mais elle peut l’être également à tout moment de la procédure.

L’irrecevabilité peut être soulevée d’office par le juge d’instruction, par le procureur de la République ou par une autre partie. Seule la partie concernée peut relever la violation de l’article 5 du Code de procédure pénale (Crim. 5 déc. 2000, à paraître). Dans tous les cas, conformément à l’article 87, le juge d’instruction doit statuer par ordonnance motivée après communication du dossier au ministère public (Crim. 12 janv 2000, Bull. n° 18).

L’arrêt de la cour d’appel confirmant l’irrecevabilité de la constitution de partie civile est considéré comme mettant fin à la procédure et, de ce fait, le pourvoi est immédiatement recevable, permettant ainsi à la partie civile d’épuiser toutes les voies de recours dès le stade de l’instruction.

La déclaration d’irrecevabilité ne nuit pas aux droits de la partie civile, puisque l’effet suspensif de l’appel lui permet de conserver cette qualité jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue. La seule limitation aux droits qui lui sont reconnus à raison de sa qualité est apporté par l’article 114, alinéa 11, issu de la loi du 30 décembre 1996, qui permet à l’avocat de communiquer copie des pièces du dossier à son client. Ce droit n’est pas suspendu pour la partie civile dont la recevabilité est contestée, mais soumis à autorisation du juge d’instruction, ou à défaut du président de la Chambre d’accusation.

De plus, l’irrecevabilité de sa constitution devant la juridiction d’instruction n’a aucune autorité de la chose jugée devant la juridiction de jugement. En conséquence, l’arrêt de la chambre d’accusation ayant déclaré irrecevable la constitution d’une partie civile ne s’oppose pas à ce que la même personne se constitue de nouveau devant la juridiction de jugement (Crim. 15 mai 1997, Bull. n° 195). Inversement, la recevabilité d’une constitution de partie civile admise par la juridiction d’instruction, peut être remise en cause par la juridiction de jugement, devant laquelle les conditions de fond tenant à la réalité du préjudice sont plus sévèrement appliquées.

2) L’irrecevabilité pendant la phase de jugement

L’irrecevabilité peut également être soulevée devant la juridiction de jugement. L’article 423 fait obligation au juge de répondre sur ce point, mais ne lui interdit pas de joindre l’incident au fond.

Certaines irrecevabilités peuvent être soulevées en tout état de cause et d’office, même pour la première fois devant la Cour de cassation. Il en va ainsi du défaut de préjudice, du défaut de qualité tenant à l’absence d’agrément d’une association, de la tardiveté de la constitution.

Mais d’autres exceptions d’irrecevabilité doivent être soulevées par les parties adverses avant toute défense au fond. Tel est le cas de la règle electa una via (Crim. 7 juill. 1998, Bull. n° 215), de la méconnaissance des dispositions de l’article 420-1 du Code de procédure pénale relatives à la constitution par lettre, de l’absence d’accord de la victime préalablement à l’action engagée par une association en application de l’article 2-2 (Crim. 15 juin 2000, Bull. n° 217), du défaut de qualité du curateur pour se constituer au nom de la personne protégée (Crim. 1er juin 1994, Bull. n° 216).

L’irrecevabilité opposée à la partie civile peut être contestée en cause d’appel puis devant la Cour de cassation. Lorsque le tribunal ou la cour d’appel statue par décision distincte du jugement ou de l’arrêt sur le fond, celle-ci est considérée comme mettant fin à la procédure. L’appel ou le pourvoi est donc immédiatement recevable par application des articles 507 et 570 du Code de procédure pénale.

B. Le droit au juge

1) La partie civile régulièrement constituée a tout d’abord un droit au juge


Régulièrement saisi par voie d’action, le juge a le devoir de remplir sa mission, qu’il s’agisse d’informer en cas de plainte avec constitution de partie civile, ou de juger lorsqu’il est saisi par voie de citation directe.

Il est de principe que le juge d’instruction qui a reçu une plainte déposée avec constitution de partie civile, conformément aux dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, est tenu d’informer comme s’il était saisi par un réquisitoire introductif du procureur de la République (Crim. 21 sept. 1999, Bull. n° 188). Cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l’article 86, alinéa 4, que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale (Crim. 16 nov. 1999, Bull. n° 259).

Une juridiction d’instruction ne saurait en conséquence refuser d’informer tant que les investigations de nature à lui permettre de vérifier sa compétence n’ont pas été effectuées (Crim. 26 févr. 1997, Bull. n° 77). Un refus d’informer ne saurait reposer sur un simple examen abstrait de la qualification pénale visée par le plaignant et prononcer, sans vérification préalable, sur la réalité des faits dénoncés (Crim. 21 sept. 1999 et 16 nov. 1999 précités), ou sur le caractère délictuel ou contraventionnel desdits faits (Crim. 11 mai 1999, Bull. n° 90 ; 5 oct. 1999, Bull. n° 203).

Régulièrement saisi de l’action publique engagée par la partie civile, la juridiction de jugement a le devoir de statuer sur l’action publique et, le cas échéant, sur l’action civile (Crim. 29 avr. 1996, Bull. n° 167 ; Crim. 27 mai 1999, Bull. n° 109). Elle ne peut interrompre le cours de la justice (Crim. 26 juin 1991, Bull. n° 278 ; Crim. 1er déc. 1999, Bull. n° 288).

2) La partie civile a ensuite droit à un juge indépendant et impartial

Par application de l’article 662 du Code de procédure pénale, la partie civile a, en toute matière, le droit de demander le dessaisissement d’une juridiction pour cause de suspicion légitime. Elle peut également récuser un magistrat sur le fondement de l’article 668.

Constitue un motif de suspicion légitime, la circonstance qu’un juge d’instruction ait à instruire sur les faits dénoncés par la partie civile après avoir opposé à celle-ci un refus d’informer injustifié (Crim. 4 mars 1998, Bull. n° 86), ou que le magistrat instructeur, contre lequel une plainte avec constitution de partie civile a été déposée, a rendu une ordonnance de refus d’informer (Crim. 16 mai 2000, Bull. n° 191). En tout état de cause, afin de garantir le droit au juge impartial, une Chambre d’accusation, saisie de l’appel d’une ordonnance de non-lieu, doit soulever d’office l’irrégularité de sa composition quand un conseiller en faisant partie a confirmé, dans la même procédure, une ordonnance de refus d’informer (Crim. 6 janv. 2000, Bull. n° 5).

Par ailleurs, la partie civile peut, conformément aux articles 84 et 665 du même Code, saisir le parquet d’une demande de renvoi d’une juridiction à une autre dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Enfin, elle peut présenter des observations lorsque, par application des articles 665-1 ou 667-1, le dessaisissement de la juridiction normalement compétente, mais qui ne peut être légalement composée, est sollicité par le parquet.

C. Le droit d’être assistée par un avocat

Devant le juge d’instruction, la partie civile jouit alors, conformément à l’article 114, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale, des mêmes garanties que la personne mise en examen. Elle ne peut ainsi être entendue ou confrontée par le juge d’instruction qu’en présence de son avocat, à moins qu’elle n’y renonce expressément en présence de ce dernier. Elle ne peut renoncer à invoquer les nullités de procédure qu’en sa présence (article 172). Elle jouit également de garanties identiques lorsqu’en application de l’article 164, elle est susceptible de donner des renseignements nécessaires aux experts dans le cadre de leur mission.

L’article 82-2, issu de la loi du 15 juin 2000, lui ouvre désormais la possibilité de demander que les actes tels que les transports, l’audition d’un témoin ou d’une autre partie civile ou l’interrogatoire de la personne mise en examen soient faits en présence de son avocat.

La partie civile peut également être assistée devant la juridiction de jugement.

D. Le droit de savoir

Ce droit est consacré d’une part par l’information qui doit être donnée à la partie civile, d’autre part par l’accès au dossier qui lui est garanti.

1) La partie civile est tout d’abord informée de ses droits

En application de l’article 89-1, alinéa 1er, le juge d’instruction est tenu de lui faire part, lors de la première audition ou par lettre recommandée, de son droit à formuler des demandes d’actes ou une requête en annulation.

La loi du 15 juin 2000 a complété cette disposition en élargissant l’information de la victime aux conditions de déroulement de l’information. L’article 89-1, alinéa 2, dispose que le juge d’instruction doit aviser la partie civile du délai prévisible d’achèvement de la procédure et de la possibilité qu’elle a de demander la clôture de la procédure à l’issue de ce délai. L’article 175-3 prévoit en outre que le magistrat instructeur informe tous les six mois la partie civile de l’avancement de l’information.

2) La partie civile a ensuite accès au dossier de la procédure

Cet accès lui est d’abord assuré au cours de l’information, par l’intermédiaire de son avocat. Ce dernier dispose des mêmes droits que le conseil de la personne mise en examen : il peut, par application des articles 114, alinéa 5 et suivants, obtenir copies des pièces de la procédure et les transmettre à son client.

Devant la cour d’assises, en application de l’article 279 du Code de procédure pénale, la partie civile se voit délivrer gratuitement une copie des procès-verbaux constatant l’infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d’expertise. L’article 280 l’autorise à faire prendre copie à ses frais de tout autre pièce de la procédure et l’article 284 lui garantit l’accès aux pièces complémentaires.

Il n’existe pas de texte équivalent devant le tribunal de police et le tribunal correctionnel. Cependant, en application du 2° de l’article R. 155 du Code de procédure pénale, la partie civile peut, avec l’autorisation du procureur de la République ou du procureur général, obtenir, non pas communication directe des pièces de la procédure, mais la délivrance, à ses frais, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat, de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction.

E. Le droit de participer à la procédure

La partie civile participe en premier lieu à la procédure par sa présence et ses déclarations. Ne pouvant pas être à la fois être partie au procès et témoin, elle ne peut plus être entendue en cette dernière qualité dès lors qu’elle s’est constituée. Conformément aux articles 152, 335 et 422, elle ne prête alors pas serment avant d’être entendue.

Depuis les lois des 4 janvier et 24 août 1993, la participation contradictoire de la partie privée à la procédure pénale se confirme régulièrement.

1) Au cours de l’information, la partie civile participe à la manifestation de la vérité et au respect du délai raisonnable

La partie civile peut tout d’abord formuler des demandes d’actes. Précédemment limité par la loi du 4 janvier 1993 à l’audition des parties, leur interrogatoire, l’audition d’un témoin, une confrontation ou un transport sur les lieux, ce droit a été étendu par la loi du 15 juin 2000 à tous les actes qui paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité (article 82-1).

Par application de l’article 156, la partie civile peut demander au juge d’ordonner une expertise. La loi du 15 juin 2000 a complété ce droit, lui permettant de préciser dans sa demande les questions qu’elle veut voir poser à l’expert. L’article 167 autorise ensuite la partie civile qui a connaissance des résultats de cette expertise, à demander un complément ou une contre-expertise. Lorsque les conclusions de l’expertise sont de nature à conduire le juge d’instruction à ordonner le non-lieu par application de l’article 122-1 du Code pénal, le complément ou la contre expertise est de droit (article 167-1).

Lorsque le juge d’instruction n’entend pas faire droit à la demande d’acte formulée par la partie civile, il doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, faute de quoi, la partie civile peut saisir directement le président de la chambre d’accusation qui décide s’il y a lieu de saisir la chambre d’accusation.

La partie civile peut également, par application de l’article 81-1, issu de la loi du 15 juin 2000, demander au juge d’instruction de procéder à des actes lui permettant d’apprécier la nature et l’importance des préjudices qu’elle a subis ou de recueillir des renseignements sur sa personnalité. Si de tels actes peuvent être utiles à la manifestation de la vérité, leurs résultats seront également importants pour apprécier la réparation du préjudice.

La partie civile participe par sa présence ou celle de son avocat à l’exécution des différents actes de l’information. L’article 120 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, autorise désormais l’avocat de la partie civile à poser des questions et présenter de brèves observations. Mais ce droit s’exerce sous la direction et le contrôle du juge d’instruction qui dirige les interrogatoires, auditions et confrontations. Il est fait mention au procès-verbal des questions auxquelles le juge d’instruction opposerait un refus et les conclusions qui demanderaient acte d’un désaccord avec le magistrat instructeur sont versées au dossier par ce dernier.

De façon plus générale, la partie civile dispose du droit de demander au juge de se prononcer sur la suite à donner au dossier. L’article 175-1, modifié par la loi du 15 juin 2000, l’autorise ainsi, à l’expiration du délai prévisible d’achèvement de la procédure qui lui a été notifié par le juge d’instruction en début d’information, à demander au magistrat instructeur de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou de déclarer qu’il n’y a lieu à suivre. Cette demande peut aussi être présentée à l’expiration du délai légal qui est d’un an en matière correctionnelle ou de 18 mois en matière criminelle, mais également lorsqu’aucun acte n’a été accompli pendant une durée de 4 mois. Le juge doit se prononcer dans le délai d’un mois, faute de quoi la partie civile peut saisir directement le président d

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